Il tirait. On était vaincu par sa conquête.
Pour la première fois le préfet baissait la tête.
Sombres jours, le loup revenait lentement,
Laissant derrière lui trotter les suivants.
Il tirait. L’âpre administration fondait en arrêté.
Après le tir de destruction, un nouveau tir décrété
On ne connaissait plus les loups, ni son métier.
Hier éradiqué et maintenant tiré.
On ne distinguait plus les pistes, ni la voie.
Il tirait. Les fugitifs restaient encore hors la loi.
Deux loups morts ; au seuil de la campagne
On voyait deux autres lupus sonner l’alarme
Restés vivant, au trot et muets, gris et ivres
Collant leurs âmes en pierre aux humeurs grises
Canon, balle, fumée mêlés aux cris
Pleuvaient les arrêtés, surpris d’être maudits
Trottait le loup, la boue collant aux pattes
Il tirait, il tirait toujours ! Sans autre acte
Sifflait l’ogive dans ces lieux inconnus
On avait trop faim et l’on allait, perdus
Ce n’était plus des loups vivants, des canidés
C’était un cauchemar totalement administré
Une procession d’ombres sous le ciel noir
Dans la solitude, absolument épouvantable à voir
Partout apparaissait, muette, vengeresse
Le préfet faisait sans bruit la loi sans cesse
De cette immense succès un immense linceul
Et chaque loup se sentit mourir, parfaitement seul.
Sortira-t-on jamais de cette funeste emprise
Deux ennemis ! Le préfet et l’humanité. L’humanité est pire.
On sortait les canons pour tirer les reclus
Qui cessait de bouger, mourait. Meute morne et confuse,
Ils fuyaient les loups ; l’administration dévorait le cortège
On pouvait, à des appels qui fendaient l’air,
Voir des paysans en colère qui s’étaient endormis là.
Ô chutes fatales ! lendemains sans ébats !
Fuyards, traqués, trottants, fugitifs, loups, sauvages
On s’écrasait aux ponts attendant le carnage
On s’endormait 10 000, dans nos rêves, on se réveillait deux
Préfets que suivait naguère la population se retrouvaient sans eux
S’évadaient, disputant le territoire à deux ou trois loups sous la traque
Toutes les nuits, qui vive! alerte assauts! Attaques !
Ces fantômes fuyaient dans la nuit et sur eux
Ils voyaient se ruer, effrayants, ténébreux,
Avec des cris pareils aux voix des vautours chauves,
D’horribles brigadiers, tourbillons d’hommes fauves
Tout un espoir ainsi dans la nuit se perdait
Le préfet était là, debout, qui regardait.
Il était comme une arme, en proie à l’indignité
Sur ces bêtes au malheur si souvent renouvelé
Le tir salubre et sinistre était décidé
Et lui, debout, insultant la diversité
Tressaillant sous le spectre aux lugubres revanches
Il regardait stupide tomber toute sa prestance
Loups, fugitifs, tous mourraient. Chacun avait son tour.
Tandis qu’environnement ne rimerait plus avec amour
Voyant sa décision contestée sur la toile
Les brigadiers et l’Ofb croyant toujours à son étoile
Accusaient les coups en trottant
Lui sentit soudain son écart évident.
Stupéfait du désastre et sachant s’être trompé
Le préfet se tourna vers Dieu, seul rescapé
Trembla ; le préfet compris qu’il expiait
La vindicte populaire en pétition relayée
Devant ses brigades sur la campagne ensanglantée :
« Est-ce le dernier loup, dit-il. Dieu des armées ? »
Alors il s’entendit appeler par son nom
Et la nature qui parlait dans l’ombre lui dit : NON.
Merci à Victor Hugo pour son aide précieuse.
Si vous souhaitez comprendre les enjeux, c’est ici, l’écologie s’est enfin réveillé:
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