A la lecture ou à l’écoute de ceux qui s’expriment sur le sujet de la présence du canidé sauvage, il faut remarquer de très nombreuses dérives intellectuelles absolument notoires :
Nous vous proposons ici de décrypter certaines déclarations qui tiennent de la jacasserie, voire de la désinformation formelle.
Nous avons donc choisi de traiter plusieurs cas caractéristiques :
Le premier cas concerne la Normandie :
L’article de presse confirme immédiatement que les déclarations émises seraient probantes en ces termes :
« Pour le responsable du Parc canadien, qui accueille quatre meutes de loups en Seine-Maritime, l’animal photographié le 8 avril 2020 dans le département semble bien être un loup. Mais un point le rend perplexe : l’animal n’est pas filiforme. L’expert avance plusieurs hypothèses. »
Vous avez donc affaire à un expert du sujet qui laisse entendre immédiatement qu’il pourrait y avoir un soupçon sur la présence sauvage de ce canidé ! Précisons que l’Observatoire du loup a placé le département de Seine-Maritime sous dispersion depuis le 16 août 2018 et que les faits de dispersions sont confirmés officiellement avec la lenteur nécessaire !
Dans cet article de presse il faut relever les hypothèses absolument ubuesques de l’expert, je note :
« Les spécialistes consultés par le Groupe mammalogique normand en sont sûrs à 95 %, d’autant que la présence d’un loup en Seine-Maritime n’est pas incongrue puisqu’un animal qui quitte sa meute (phénomène de « dispersion ») peut parcourir des milliers de kilomètres à la recherche d’une femelle et d’un territoire et que certains ont été repérés jusque dans le nord de la France. »
Il y aurait donc encore un doute.Vous noterez ici encore que les déclarations de la mammalogie normande implique qu’il s’agirait d’un loup mâle puisque cet individu serait à la recherche d’une femelle. Le phénomène de dispersion est résumé ici à une recherche de congénère par un individu de sexe mâle et surtout l’animal pourrait parcourir des milliers de kilomètres. On retrouve ici la confabulation habituelle sur le sujet ou l’intervenant qui ne possède aucune culture du loup va transformer un imaginaire en réalité établie et officielle.
Dans les faits, le canidé parcourt plus de 11 000 km par an sur le domaine vital ou il est installé, les phénomènes de dispersion sont décrits comme le départ d’un ou plusieurs individus d’un groupe reproducteur vers une future zone de reproduction. Ce phénomène de migration s’organise sur des axes définissables -dont les plus longs ne dépassent pas 400 kilomètres- aux distances variables et surtout il fait l’objet de « pauses » dans les déplacements. Certains individus isolés ou en groupe d’individus affiliés ou non s’arrêtent de quelques semaines à quelques mois avant de poursuivre leurs dispersions, voire avant de retourner sur leurs pas. Il est possible de cibler l’exemple de la Sologne sur ce sujet.
La journaliste confirme qu’il pourrait y avoir un doute, c’est le fil directeur de cette communication tout à fait ubuesque :
« Comme ses confrères, cet expert émet quelques réserves en raison de la qualité dégradée des images. « Le bout de la queue ressemble à un pompon noir alors que normalement, seul le pourtour de la queue d’un loup est noir », souligne-t-il. Mais surtout, c’est la silhouette du loup qui le laisse perplexe. »
Je cite encore :
» Pour Xavier Denis, un loup en liberté, à la sortie de l’hiver est obligé de chasser pour se nourrir, serait forcément moins épais, plus filiforme que l’animal observé. De plus, il devrait avoir des poils plus longs. Aussi, l’expert rappelle qu’un loup a peut-être déjà été vu en décembre dernier dans l’est du département, comme l’indiquent Les Informations Dieppoises. S’il s’agissait bien d’un loup, et du même loup, cela voudrait dire qu’il s’est sédentarisé. Peu probable pour un animal censé être à la recherche d’une femelle. »
C’est confirmé, ce canidé est à la recherche d’une femelle et la pointe noire de la queue pose question. Ce qui est assez ubuesque puisque la pointe noire est généralement observée chez Canis lupus italicus, même si cela n’est pas systématique. Précisons également que le terme largement employé par ailleurs de «sédentarisé» n’a guère de sens chez le loup puisque ses comportements de déplacement impliquent le contrôle permanent d’une aire vitale de l’intérieur mais également de l’extérieur, ainsi il est possible de retrouver des individus à plus de 50 km du cœur du domaine vitale, alors que la zone vitale évolue chaque année en surface et en orientation, entre autres variations annuelles.
L’analyse de « l’expert » est donc sans rapport avec la biologie du loup.
Pour justifier ses errances, le professionnel envisage le chien-loup, l’éternel canidé domestique qui rendrait improbable les modèles de dispersion du canidé sauvage et surtout qui confirme une certaine forme d’incapacité à établir des faits probants.
Ce loup si c’est un loup serait même éventuellement nourri par la main de l’homme!
Qui peut croire à de telles sornettes ? Le groupe mammalogique local rappelle que la détention d’un animal sauvage est interdite. Il faut donc absolument laisser la place au doute.
Toutefois sur la photographie présentée il est possible de remarquer que la queue, courte, est placée dans les postérieurs, que le masque labial est présent, que le dos sombre s’éclaircit vers le ventre, que la courbe de la cuisse ne correspond pas au chien (ovale chez le chien et ronde chez le loup) que l’animal est au trot, allure habituelle chez le sauvage, que la forme « lupoïde » du museau présente une zone sombre sous l’œil gauche et pour en finir que le cou puissant n’est pas celui du chien, à l’évidence.
Mais les déclarations du spécialiste vont encore plus loin ! Il formule une hypothèse de reproduction en expliquant :
» Le ventre plein de l’animal pourrait signifier qu’il s’agit d’une femelle en gestation. Il n’y aurait donc pas un seul loup mais plusieurs. Si c’est le cas, « il va y avoir des petits et très vite, on va se retrouver avec une dizaine de loups et donc ils vont se faire repérer ». La période d’accouplement chez les loups débute en février – « au moment de la Saint-Valentin ! » – et la gestation dure 60 jours. Les images ayant été prises le 8 avril, les dates peuvent coïncider. »
A l’étude de la photographie rien n’atteste effectivement que l’individu présenté est un mâle. Il s’agit même probablement d’une femelle. Peut-on croire que cet individu serait gravide ?
Concernant une femelle gravide il faut noter que ses déplacements sur la piste correspondent souvent aux divagations habituelles du chien, les empreintes sont profondes si le substrat permet de les détecter et la piste n’est donc pas rectiligne.
Il est donc tout à fait possible dans ce cas concret de faire une erreur d’interprétation à la lecture des voies et de la piste. Toutefois sur cette photographie rien ne laisse croire que l’individu photographié présente une période de gestation pour deux raisons évidentes. La première, le canidé semble exercer un trot tout à fait fluide et habituel, la position des mains et des pieds en atteste. La seconde, est que les formes habituellement détectables sur le bas-ventre entre l’aine et la poitrine ne sont absolument pas présent. Cette hypothèse est donc totalement absurde !
Il faut souligner que les phénomènes de dispersion vers la Normandie sont nés dès la fin de l’année 2016. Dans les processus d’installation du loup il faut distinguer quatre phases parfaitement déterminables à l’observation des faits :
Une première phase est exploratoire, le ou les individus découvrent de grands espaces et intègrent la géographie des lieux ainsi qu’un ensemble de données observables comme les infrastructures humaines qui vont parfois former des frontières. Dans la deuxième phase de pré-installation le loup pose les premières limites du territoire, il dispose peu à peu les zones de repos et/ou de rendez-vous et de chasse nécessaire à la survie. Dès cette deuxième phase on peut constater des changements d’orientation du domaine vital et une réduction des surfaces entreprises. Dans la troisième phase le canidé est plus souvent détecté car il se déplace sur une zone vitale de plus en plus restreinte et surtout de plus en plus adaptée à la quatrième phase, c’est à dire l’adaptation formelle de la géographie du loup à la reproduction.
Concernant le Seine-Maritime l’étude et le suivi de l’espèce nous expliquent que le canidé serait sur le point d’aborder la troisième phase, une reproduction est donc très improbable, ce qui n’implique pas la présence d’un unique individu.
Depuis la parution de cet article qui a été modifié puisqu’il était possible d’y relever une anecdote fumante concernant la fable de la buse variable et du louveteau, rapace qui serait capable d’emporter un louveteau dans un parc animalier, alors que ce louveteau aurait survécu seul en milieu naturel a curieusement disparu.
Je laisse donc la conclusion de cet article à un visiteur du site, à ce sujet :
« En tout cas, ce n’est pas non plus un expert en fauconnerie : émettre l’hypothèse qu’une buse (environ 1 kg) puisse capturer un louveteau (300 à 500 gr à la naissance) et surtout s’envoler avec un tel poids, gigotant de surcroît, est des plus farfelu… «
Si vous souhaitez comprendre les phénomènes de dispersion du loup:
Le prochain dossier traitera de cet article de presse paru dans Ouest-France le 22 juillet 2020
Le retour du loup désespère les bergers